Les technologies de l’information (TI) évoluent rapidement, tout comme les pratiques dans le milieu de la santé. Dans un secteur comme dans l’autre, l’émergence des nouveaux usages technologiques se chevauche à un point tel qu’il est dorénavant question de santé 2.0.
Les applications associées au Web 2.0 – tels les réseaux sociaux, les blogues, les fils RSS, les wikis - ont favorisé le développement de nouvelles pratiques sur Internet dans le domaine de la santé. On retrouve, entre autres, la santé 2.0 qui réfère à l’utilisation des applications du Web 2.0 pour promouvoir la collaboration entre les patients, les médecins, le personnel médical et les autres partenaires impliqués dans les soins de santé. Du point de vue des internautes, il apparaît évident qu’Internet est devenu un outil privilégié pour s’informer. Entre janvier 2007 et janvier 2008, une enquête menée par l’Institut Fraser a démontré que 59 % des adultes américains ont utilisé Internet pour s’informer sur la santé. De plus, au cours des douze mois précédant décembre 2007, 21 % des adultes américains ont visité Wikipédia à cette fin selon une enquête menée par iCrossing. Encore plus près de nous, selon l’enquête NETendances 2007 réalisée par le CEFRIO, c’est 36 % des adultes québécois qui ont cherché des renseignements sur la santé. Mais, qu’en est-il de l’intérêt des professionnels de la santé pour les nouveaux outils Web ? James Sarowiecki, auteur du livre The Wisdom of crowds, présente les applications du Web 2.0 comme des outils permettant de profiter d’une intelligence collective. La grande question est donc de savoir si les membres du corps médical pourront tirer des bénéfices des retombées d’un tel partage des connaissances.
Les praticiens 2.0
La ville de Toronto présentait en septembre dernier la Conférence annuelle sur les applications du Web 2.0 en santé et en médecine. À cette occasion, le prix du « médecin 2.0 » a été décerné au Dr Keith Kaplan de la clinique américaine Mayo. Cet honneur vise à souligner son implication exemplaire en tant que blogueur expert en pathologie numérique. Ce qui démarque son travail de celui des autres praticiens blogueurs : une collection d’images histologiques mise en ligne et alimentée par lui-même, bien sûr, mais aussi par la communauté. En favorisant un partage des connaissances, tant au sein de sa communauté de pairs, qu’avec les étudiants et les patients, le Dr Keith Kaplan applique les principes de la santé 2.0.
Le patient 2.0
En complémentarité au médecin 2.0 se trouve le patient 2.0 qui, pour tirer avantage efficacement et de façon sécuritaire des avenues du Web 2.0, doit pouvoir compter sur l’appui des praticiens. Prenons l’exemple de la nouvelle relation établie entre le soignant et le soigné à travers l’autosuivi (self-monitoring) par Internet. Dans le contexte où il existe une pénurie en matière de médecins de famille, de spécialistes ainsi qu’une difficulté à obtenir des rendez-vous dans de courts délais, l’autosuivi offre une alternative intéressante aux patients qui souhaitent obtenir un suivi rigoureux de leur état de santé en suivant eux-mêmes l’évolution de leur pathologie.
Déjà, de nombreux outils de suivi des maladies sont passés des établissements de santé aux domiciles des patients : les glucomètres, les instruments de mesures de la pression sanguine ou de la BPCO (Broncho pneumopathie chronique obstructive), etc. Le Web 2.0 permet de pousser encore plus loin cette désinstitutionnalisation de certains suivis médicaux. L’effet d’engouement pour l’autosuivi concorde avec l’un des principes fondamentaux du Web 2.0 : la participation. Ici, il s’agit du désir du patient de prendre en main sa santé et de participer à son suivi médical en documentant par lui-même son état de santé. Par ailleurs, les patients pratiquant l’autosuivi le font parce que leur médecin l’a recommandé (69 %) et parce qu’ils peuvent transférer l’information recueillie à leur praticien par le biais d’Internet (69 %), rapporte une enquête réalisée en 2008 aux États-Unis par Deloitte. Par contre, pour s’étendre à une échelle plus large, ces nouvelles pratiques posent des défis quant à la gestion des informations recueillies : la transmission et la conservation des données par le Web, l’accès au dossier de santé électronique, etc.
Le Web 2.0 en réponse aux lacunes du système actuel ?
Récemment publiée, l’étude Medical technology in Canada présente l’évaluation de la qualité et de la quantité des équipements de technologies médicales avancées au Canada. Le bilan tracé par cette analyse comparative est préoccupant. Il apparaît que le Canada est en retard en termes d’adoption des technologies médicales avancées par rapport à ce qui est disponible dans les autres pays développés. En plus de disposer de moins d’équipements et d’appareils parfois désuets, les établissements de santé canadiens déploient lentement et exploitent peu leurs technologies médicales avancées. Par conséquent, les Canadiens disposent d’un accès restreint aux technologies médicales pour leurs soins, réduisant entre autres la qualité des diagnostics ainsi que l’efficacité et la rapidité des traitements. Dans cet ordre d’idées, il est intéressant de s’attarder à l’utilisation que font les professionnels de la santé des technologies de l’information (TI), d’Internet et du Web 2.0. Certes, les TI et Internet ne remplaceront pas les appareils technologiques de diagnostics et de traitements. Par contre, les outils disponibles en ligne à peu de frais peuvent offrir un véhicule efficace et souple afin d’assurer une circulation fluide de l’information entre une diversité d’acteurs qui, mis ensemble, peuvent élaborer des solutions innovantes améliorant le système de santé actuel.
Sources :
Canada slow to adopt new medical technologies, Canadian healthcare technology, septembre 2008.
Elkin Noah, How america searches: health and wellness, iCrossing, janvier 2008.
Esmail Nadeem, Dominika Wrona, Medical technology in Canada, Fraser Institute, août 2008, 101 p.
Kaplan, Keith, Digital pathology blog
Many U.S. Consumers Want Major Changes in Health Care Design, Delivery, Deloitte, 2008.
Medecine 2.0
NETendances 2007, CEFRIO, mars 2008, 118 p.
Sylber, Denise, Médecine 2.0 Toronto - Prix du "Médecin 2.0", blogue, 5 septembre 2008.
What's the buzz about Self-Monitoring?, Canadian EMR, 28 août 2008.
Date de publication
21 octobre 2008
Auteur(s)
Sophie Poudrier, analyste-conseil, CEFRIO
lundi 27 octobre 2008
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