Daphnée Dion-Viens
Le Soleil
Québec
Oubliez le stéréotype du prof de cégep qui se la coule douce, avec en prime deux mois de vacances chaque été. Du moins, pas en technique de soins infirmiers. Des cégeps peinent à recruter et à retenir des infirmières enseignantes. Rebutées par l’ampleur de la tâche, plusieurs préfèrent l’hôpital aux salles de classe.
Parlez-en à Julie Vigneault, infirmière au CHUL, qui a enseigné pendant trois ans au Collège François-Xavier-Garneau en soins infirmiers. Avant de faire le saut vers le collège, elle occupait un poste aux soins intensifs de soir. «Il y avait beaucoup de temps supplémentaire à faire et je voulais améliorer ma qualité de vie. L’enseignement m’attirait», raconte-t-elle.
Mme Vigneault, qui a un baccalauréat en poche, savait qu’elle encaisserait une baisse de salaire (environ 10 000 $) en passant de l’hôpital au cégep, mais elle était prête à tenter le coup. Trois ans plus tard, elle se ravise et retourne travailler en milieu hospitalier.
«Les premières années, ce sont des heures et des heures d’investissement. Il y a les cours à préparer, les stages à superviser... Ça ne finit jamais!» lance-t-elle, contrairement à l’hôpital où il n’y a pas de travail à rapporter à la maison.
La supervision de stage peut être particulièrement exigeante, dit-elle. En supervisant six étudiantes qui s’occupent chacune de trois ou quatre patients, l’enseignante peut être responsable d’une vingtaine de patients, en bout de ligne.
En milieu hospitalier, ce nombre atteint rarement plus que quatre patients par infirmière de jour et une dizaine la nuit, indique celle qui occupe maintenant un poste de jour comme conseillère cadre en prévention des infections. «Les possibilités d’avancement en milieu hospitalier étaient aussi plus intéressantes», ajoute-t-elle.
Sophie Poulain, une autre infirmière qui travaille maintenant au CHUL, a décidé elle aussi de retourner à l’hôpital après être passée par les salles de classe du Collège François-Xavier-Garneau. «Ç’a été une belle expérience mais j’ai trouvé ça un peu difficile», raconte-t-elle. Les longues vacances étaient attirantes, vues de l’extérieur, mais Mme Poulain commençait à préparer ses cours dès juillet, pour être prête pour la rentrée fin août. En cours d’année, les multiples réunions — comité de programme, réunions administratives — venaient aussi alourdir la tâche, ajoute-t-elle.
Vagues de départ
Francine Vincent, coordonnatrice du département de soins infirmiers au Collège F.-X.-Garneau, le confirme : la tâche est «très exigeante» et le recrutement lui cause bien des maux de tête. «Comme employeur, on est moins attractif qu’on l’était», dit-elle.
Avec la pénurie d’infirmières, les hôpitaux ont intensifié leurs efforts en matière de recrutement, offrant rapidement des postes permanents aux infirmières bachelières qui doivent souvent attendre plus longtemps avant d’obtenir la même sécurité d’emploi dans le réseau collégial. Le métier exige par ailleurs que les infirmières se tiennent constamment à jour, contrairement à des collègues enseignants où la discipline évolue moins rapidement.
«À chaque session, on a des infirmières qui nous quittent», indique Mme Vincent. En trois ans, une douzaine d’infirmières qui enseignaient au Collège — sur environ 45 — ont délaissé les corridors du cégep pour arpenter ceux des hôpitaux.
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